Le BIM World | Jumeaux Numériques 2025, qui s’est tenu les 2 et 3 avril 2025 à Paris Expo Porte de Versailles, a mis en avant les avancées en matière de jumeaux numériques, soulignant leur rôle essentiel dans la gestion et l’optimisation des infrastructures. Olivier Minot, géomètre-expert et Président de la Commission expertise de la mesure de l’Ordre des géomètres-experts, nous explique comment cela peut constituer une opportunité pour transformer l’aménagement des territoires.
Pouvez-vous nous expliquer ce que l’on appelle un jumeau numérique ?
O.M : « Plusieurs définitions sont possibles en fonction du public auquel on s’adresse et chacun peut avoir son avis sur la question, comme ce fut le cas il y a 10 ans lorsque le terme BIM a fait son apparition.
J’apprécie pour ma part l’explication qui suit : un jumeau numérique est une réplique virtuelle d’un actif physique enrichie de données en temps réel.
L’expression jumeau numérique étant utilisée depuis quelques années dans le sillage des pratiques BIM, j’observe aujourd’hui un consensus sur ce qui caractérise un jumeau numérique au sens des territoires et des ouvrages de génie civil ou bâtimentaires :
- La notion de géolocalisation
- Les notions de visualisation et d’interaction
- La notion de simulation
D’une certaine manière, le jumeau numérique est dans la continuité du BIM : ce dernier permet la conception et la construction avec de la donnée généralement statique orientée partage collaboratif. Le jumeau numérique couvre plus largement tout le cycle de vie, avec une donnée dynamique orientée prise de décision en temps réel ».
Quels sont les usages du jumeau numérique pour les géomètres-experts ?
O.M : « Le premier usage qui me vient à l’esprit, c’est celui de la contribution à sa mise en œuvre. La profession est historiquement attachée à la description du réel, en y ajoutant une dimension juridique en ce qui concerne le droit de propriété et ses corollaires. Nous sommes donc naturellement doués et dotés pour générer de la data propre à constituer un jumeau numérique. A noter que le jumeau numérique et ses usages seront évidemment contraints par la qualité de la data utilisée, domaine dans lequel les géomètres-experts sont réputés pour leurs aptitudes à qualifier la donnée.
Le second usage est celui de la visualisation et de la géolocalisation. Un outil comme Géofoncier est une forme de jumeau numérique très simple, dans la mesure où il y manque la notion de données enrichies en temps réel, de simulation et de visualisation 3D. Mais c’est une brique constitutive de jumeau numérique intéressante que la profession utilise régulièrement désormais.
Par extension, un jumeau numérique de bâtiment ou de territoire est utilisable dans tous nos domaines d’expertise :
- le foncier, pour visualiser la position de bornes ou limites existantes avant une intervention, pour simuler la position des limites proposées par le biais d’une réalité augmentée en combinant jumeau numérique et prise de vue réelle avec son smartphone, pour disposer d’un historique visuel des changements apportés aux propriétés ;
- les réseaux enterrés, pour lesquels les solutions de visualisation en réalité augmentée opérationnelles existent déjà et n’attendent que de disposer d’une data de jumeau numérique pour permettre une visualisation en tous points du territoire en temps réel ;
- la planification urbaine en général pour évaluer l’impact de nouveaux projets sur l’environnement et optimiser l’espace ;
- l’auscultation d’ouvrage avec des capteurs reliés au jumeau numérique, ce qui se fait aujourd’hui plutôt sous la forme de tableaux et de courbes ;
- le partage d’informations entre les parties prenantes d’un projet grâce à une plateforme commune (on retrouve ici l’essence originelle du BIM) ».
On parle de jumeaux numériques des territoires. De quoi s’agit-il et en quoi cela peut constituer un outil d’aide à la décision pour la collectivité ?
O.M : « Il s’agit de l’application des principes précédents à une échelle plus large que le simple ouvrage : un quartier, une ville, une région, une nation, les océans … Les usages pour le collectif sont nombreux :
- l’urbanisme par la simulation ;
- l’optimisation de la gestion des ressources : énergie, eau, déchets ;
- la gestion de la mobilité ;
- la simulation de crises permettant d’anticiper les mesures de sécurité pour la population ;
- la communication avec les citoyens.
Les « villes intelligentes », dont l’expression smart city n’est d’ailleurs pas nouvelle, ont déjà des applications concrètes dans de grandes agglomérations et l’Europe a lancé ses propres projets de jumeau numérique de la Terre (DestinE depuis 2021) et des océans (European Digital Twin of the Ocean). Les usages précédents sont également ceux visés dans le cadre du projet de Jumeau Numérique du Territoire Français pour lequel un appel à commun a été initié par l’IGN, le CEREMA et l’INRIA en 2024. L’OGE en est contributeur et s’est joint à 170 autres participants lors de la restitution de l’appel à communs en janvier 2025.
Le jumeau numérique est aujourd’hui au cœur de la commande publique. L’expertise des géomètres-experts est essentielle pour garantir la précision et la fiabilité des données fondamentales utilisées dans les modèles numériques ».
En s’emparant d’un outil comme le jumeau numérique et en faisant un levier d’amélioration continue de l’aménagement des territoires, la profession démontre une nouvelle fois son esprit innovant et sa capacité à faire évoluer le métier de géomètre-expert en s’appuyant sur les nouvelles technologies. Une manière aussi pour la profession de répondre aux enjeux à venir en matière d’aménagement des territoires.
Le saviez-vous
Le BIM est l’acronyme de « Building Information Modeling » autrement dit Modélisation des Informations (ou données) du Bâtiment. Il s’agit de la « représentation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un bien ». Grâce à la méthodologie BIM, il est donc possible de « construire » le bâtiment ou le projet d’aménagement avant sa construction physique, grâce à un modèle virtuel et au travers de la collaboration et aux contributions de tous les intervenants impliqués dans le projet (géomètres-experts, architectes, ingénieurs en matériaux, concepteurs consultants, analystes énergétiques…)
